Avec le départ de Justin Trudeau, Pierre Poilievre, leader du Parti conservateur, s’impose comme le favori pour diriger le Canada. Cet ultraconservateur au style percutant pourrait bien redéfinir le paysage politique canadien.
« Enfin, il s’en va ! », a titré le Toronto Sun, reflétant le soulagement de nombreux Canadiens à l’annonce de la démission de Trudeau. De la Saskatchewan aux rues animées de Toronto, un sentiment général d’exaspération vis-à-vis du Premier ministre sortant s’est fait sentir.
Le poste laissé vacant pourrait revenir à Pierre Poilievre, chef du Parti conservateur depuis 2022. À 45 ans, ce stratège politique connaît une ascension fulgurante dans les sondages. Communicateur hors pair, il capte l’attention d’une population frustrée par l’inflation, la crise du logement et une certaine fatigue envers l’image progressiste du Canada.
Trudeau n’a pas su rallier l’ensemble du pays à ses idéaux multiculturels et progressistes. Poilievre l’a bien compris. « Je serai le Premier ministre de l’anti-wokisme », a-t-il déclaré avec assurance. Inspiré par une philosophie libertarienne, il promet de redonner aux Canadiens le contrôle de leur quotidien et d’ériger le pays en bastion de la liberté.
Connu pour ses slogans percutants, il excelle à frapper l’opinion publique. Le terme « justinflation » pour critiquer les politiques économiques de Trudeau en est un exemple. Il n’hésite pas à surprendre : lors d’un vol WestJet, il a saisi le micro pour s’adresser aux passagers ébahis. Son soutien aux camionneurs d’Ottawa ou son discours en faveur du « Canada des travailleurs » ont marqué les esprits dans un pays réputé pour sa retenue.
Sa stratégie repose sur des déclarations audacieuses, comme l’annonce de limoger le gouverneur de la Banque du Canada ou de transférer le pouvoir monétaire directement au peuple. Lors de ses rassemblements, il martèle inlassablement son slogan : « Le gros bon sens. » Peu importe si certaines positions semblent incohérentes par la suite.
Selon Srdjan Vucetic, professeur à l’Université d’Ottawa, Poilievre se présentera comme un acteur du changement, prônant un gouvernement minimaliste et un retour à la liberté individuelle.
Sur le plan économique et environnemental, le programme conservateur promet un virage à droite : suppression de la taxe carbone, réduction des dépenses publiques, augmentation de l’offre de logements et fermeté contre la criminalité. Daniel Béland, directeur de l’Institut d’études canadiennes de l’Université McGill, résume : « Ce sera une rupture nette avec l’ère Trudeau. »
Une figure complexe
Malgré les comparaisons fréquentes avec Donald Trump, certains analystes, comme Frederic Boily, politologue à l’Université de l’Alberta, nuancent cette analogie. Poilievre est davantage un pragmatique qu’un idéologue pur. Il représente une droite modernisée, capable d’adopter des postures contrastées.
Né dans une famille modeste de Saskatchewan, il incarne une autre facette du Canada. Adopté par des enseignants, il a grandi dans un environnement éloigné des élites. Très jeune, il a multiplié les emplois manuels, symbole d’une résilience enracinée dans ses origines populaires.
Bilingue et ambitieux, il devient à 25 ans le plus jeune député de la Chambre des communes en battant un ministre en exercice. Sous Stephen Harper, il occupe le poste de ministre de la Réforme démocratique.
Sa capacité à se réinventer est impressionnante. Favorable à l’avortement, il côtoie néanmoins des députés opposés à cette pratique. Bien qu’il admette l’existence des changements climatiques, il soutient les industries fossiles. S’il s’était opposé au mariage homosexuel dans le passé, il s’est ensuite affiché comme un défenseur des droits LGBTQ+, citant même son père adoptif, ouvertement gay.
Marié à Anaida, une immigrée vénézuélienne, et père de deux enfants, Poilievre exploite habilement son image familiale pour séduire un électorat diversifié. L’homme, convaincu de son destin, semble prêt à tourner une nouvelle page dans l’histoire politique canadienne.