Grève des enseignants dans les départements du Nord et du Nord-Est d’Haïti

Une grève illimitée lancée ce lundi expose un gouvernement incapable d’agir face à l’effondrement de l’éducation et de la sécurité.

Depuis le 6 janvier, les écoles des départements du Nord et du Nord-Est sont fermées. Les enseignants, exaspérés par des années de promesses non tenues, ont décidé de stopper toutes les activités. Cette grève, initiée par des syndicats tels que l’Union Nationale des Normaliens/nes d’Haïti (UNNOH), la Fédération des Associations d’Enseignants du Nord et du Nord-Est (FAENNE) et plusieurs autres organisations membres de la Centrale Unitaire des Travailleurs (euses) des Secteurs Public et Privé d’Haïti (CUTSPH).

Les revendications principales incluent le paiement régulier des salaires, le règlement des arriérés, une augmentation des salaires, ainsi que la nomination des enseignants qualifiés et stagiaires. En outre, les grévistes demandent des mesures concrètes pour faire face à l’insécurité galopante qui perturbe les activités scolaires et met en danger les enseignants, élèves et parents.

Cette mobilisation s’inscrit dans un contexte plus large d’insécurité et de crise sociale. L’insécurité empêche les déplacements des élèves et du personnel administratif et met au chômage des milliers d’enseignants, forcés de fuir leurs maisons sous la pression des gangs armés. Les grévistes demandent ainsi une meilleure utilisation du budget alloué à l’éducation, qui a été doublé, pour satisfaire les revendications et régler les problèmes structurels du secteur.

La lettre ouverte adressée au ministre de l’Éducation Nationale, Augustin Antoine, par les différents syndicats souligne l’urgence d’un dialogue honnête et sérieux avec l’ensemble des acteurs concernés. Les organisations syndicales ont également formulé plusieurs recommandations pour assurer le succès de ces négociations, notamment la mise en place d’un comité d’arbitrage indépendant et la préparation minutieuse des discussions.

Cette grève est un rappel accablant de l’état de l’éducation en Haïti, un secteur crucial pour l’avenir du pays mais qui continue d’être négligé par les autorités.

Il existe une lettre ouverte de l’UNNOH, du SPEMENFP, du CEREH, du MEEN, du RCENE, du REPROH, de la FAENNE, du SESNFP/INFP, membres de la Centrale Unitaire des Travailleurs (euses) des Secteurs Public et Privé d’Haïti (CUTSPH) relative aux mesures gouvernementales urgentes à adopter pour résoudre la crise éducative actuelle et la crise sécuritaire.

Retranscription de la lettre

Port-au-Prince, le 06 janvier 2025

Monsieur Augustin Antoine,

Ministre de l’Education Nationale
et de la Formation Professionnelle (MENFP) 

Monsieur le Ministre

Le Bureau Exécutif de l’Union Nationale des Normaliens/ nes d’Haïti (UNNOH), le Directoire du Syndicat du Personnel du Ministère de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle (SPEMENFP), de la Fédération des Associations d’Enseignant du Nord et du Nord-Est (FAENNE) du Syndicat des Employés du Système National de la Formation Professionnelle (SESNFP/INFP), du Collectif des Enseignants pour le Renouveau de l’Education en Haïti  (CEREH), du Mouvement des Enseignants des Ecoles Nationale (MEEN), du Regroupement des CFEFiens/nes Engagés pour une Nouvelle Education (RCENE) du Rassemblement des enseignants Progressistes d’Haïti (REPROH), vous saluent et saisissent l’occasion pour attirer, une nouvelle fois, votre attention sur la nécessité  de vous pencher rapidement sur le cahier de  revendications du monde  enseignant en vue de les satisfaire pleinement ainsi que sur l’urgence pour le gouvernement d’adresser de manière plus conséquente l’épineux problème de l’insécurité. 

Ce grave problème limite la possibilité de déplacement des écoliers, des enseignants, du personnel administratif, entrave le fonctionnement d’un grand nombre d’établissements scolaires, ainsi que celui du pays globalement. L’insécurité a également mis au chômage beaucoup d’enseignants/tes  et jeté dans la rue des milliers d’autres ainsi que des parents d’élèves et autres compatriotes obligés, sous la pression des gangs armés, d’abandonner de force leurs maisons. Ils attendent aujourd’hui avec impatience la résolution du problème de l’insécurité pour retrouver leur emploi et retourner chez eux.

  En ce qui concerne les  démarches relatives à la satisfaction des revendications des enseignants/ tes, il est impératif d’engager sans démagogie aucune des négociations sérieuses avec tous les syndicats d’enseignants/tes en vue d’apporter les réponses attendues. 

Dans cette perspective, nous tenons à produire un ensemble de remarques et de recommandations susceptibles de rendre viables et fructueuses ces négociations.

Monsieur le Ministre, il convient de rappeler que la crise qui secoue depuis des lustres le monde de l’éducation en Haïti  est complexe. Sa  solution globale et en particulier la satisfaction des justes et légitimes revendications des enseignants/ tes  nécessite l’implication non seulement du Ministère de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle mais aussi celle de toute l’équipe gouvernementale.

De plus, la réussite de ces négociations qui, normalement devraient démarrer peu de temps après votre accession à ce poste, exige un schéma de discussion sérieux. C’est l’une des conditions fondamentales devant permettre d’aboutir à quelque chose de positif pour tous les enseignants/tes et autres personnels de l’éducation indignement traités jusqu’à présent par les différents dirigeants de l’Etat haïtien. Ce traitement inapproprié les indigne et les révolte. Les enseignants/tes au niveau du fondamental, du secondaire, du professionnel… exigent un traitement digne et le respect scrupuleux de leurs droits afin de  leur permettre d’exercer correctement leur noble métier.

Ils exigent, entre autres, l’octroi d’une carte de débit, la remise des chèques le 25 au plus tard de chaque mois, l’ajustement salarial suivi d’une augmentation salariale, le paiement des arriérés de salaire, la nomination de tous les enseignants qualifiés et des enseignants stagiaires avec deux chaires, l’alignement de salaire du personnel administratif, l’adoption d’une grille salariale avec un salaire de base raisonnable, la fin  de l’insécurité planifiée pour  la reprise des activités scolaires au niveau de tous les territoires déclarés perdus, l’accès assuré à une formation continue, à un matériel pédagogique adéquat y compris la disponibilité régulière d’un plat chaud.

Monsieur le Ministre, le budget du Ministère de l’Education Nationale a été doublé. Donc vous avez la possibilité de satisfaire nos revendications légitimes à partir de ce nouveau budget et d’améliorer ainsi la condition enseignante en Haïti.

Les enseignants/tes réclament la satisfaction de leurs justes et légitimes revendications trop souvent foulées aux pieds par le MENFP tout bonnement.  Révoltés/es, indignés/es face au mépris manifeste des gouvernants en général et du MENFP en particulier, ils exigent, sans détour, la satisfaction pleine de leurs revendications et ils/elles n’entendent pas reculer.

D’où la nécessité d’organiser un cadre sérieux de négociation et de vous éloigner de toute forme de logique dilatoire qui risquerait d’aggraver encore plus la situation actuelle. Avez-vous intérêt à l’empirer ou à vous engager à résoudre la crise qui secoue le monde de l’éducation ?  L’équipe gouvernementale dont vous êtes partie prenante saura-t-elle s’élever cette fois-ci  à la dimension de cette crise éducationnelle et apporter les réponses attendues par les enseignants/tes ?

Aussi, pour la  pleine réussite des négociations nous recommandons :

1) La préparation préalable et minutieuse des négociations par le MENFP et les différentes entités étatiques concernées à partir de l’actuel cahier de revendications des enseignants/tes ; 

2) La présence dans les séances de négociation de représentants accrédités de toutes les entités étatiques concernées par les différents points constituant le cahier de revendications des enseignants/tes (Ministère de l’Education Nationale, Ministère des Finances,  Fonds National de l’Education, les représentants/tes de l’Organe gérant la police d’Assurance,…)

3) La mise sur pied en toute urgence d’un  comité d’arbitrage et de suivi des négociations composé de personnalités reconnues crédibles, honnêtes et sérieuses. Ce comité  aidera à mieux organiser et réussir ces négociations qui se révèlent cruciales pour le présent et l’avenir de la profession enseignante en Haïti, de l’éducation et de la société haïtienne en pleine crise. 

4) la présence dans les négociations des responsables de tous les syndicats du secteur éducatif, qu’ils soient des syndicats d’enseignants/tes représentés au niveau national ou régional.

5) La signature, à l’issue de ces échanges que nous souhaitons constructifs, d’un protocole d’accord dument validé  par les différentes parties dont le Comité  d’arbitrage chargé  prioritairement d’en assurer le suivi.

Monsieur le Ministre, nous tenons à souligner à votre attention que si rien n’est fait en termes d’audit, d’enquêtes croisées pour combattre la corruption et toutes les autres mauvaises pratiques administratives, l’augmentation du budget ne servira qu’à enrichir les corrompus et non à l’amélioration de la condition enseignante ou de l’éducation globalement. Or, vous aviez annoncé un audit administratif, des réformes ou  changements qui tardent encore à se concrétiser et ce après plus de sept mois. Serait-il productif que vous vous attachiez à laisser l’impression que vous êtes en train de trainer les pieds sans vouloir passer de la parole aux actes ou d’agir avec célérité pour corriger ce qui mérite de l’être ?

Nous persistons à réclamer la tenue de   ces promesses que vous aviez formulées, afin de pourvoir mettre sur les rails le MENFP, de sanctionner les coupables, de garantir l’utilisation correcte des fonds alloués à l’Education et satisfaire les justes revendications des enseignants/tes.

Espérant que vous comprendrez le bien-fondé de notre démarche et que suites célères seront données à nos requêtes, nous vous prions de  recevoir, Monsieur le Ministre,  nos salutations patriotiques.

Pour le Bureau Exécutif  de l’UNNOH:

Josué MERILIEN, Coordonnateur Général 

Pour le Directoire  du SPEMENFP

Garry Lapierre, Président

 Pour le Directoire du CEREH

Jean Marie Ferdinand,

Pour le Directoire du MEEN

Alexis Adler, Secrétaire général 

Pour le Directoire de la FAENNE

Jean François Livingston, Coordonnateur 

Pour le Directoire du RCENE

James Bellony, Vice-Président

Pour le Directoire du REPROH

Gary Gene, Conseiller

Pour  le Directoire du SESNFP/INFP

Hérold Charles CIVIL, Vice-président

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