La crise politique et sécuritaire qui secoue Haïti atteint de nouveaux sommets, où les gangs armés ne se limitent plus à exercer une domination territoriale et économique. Aujourd’hui, une frange de l’élite politique du pays explore ouvertement la possibilité d’intégrer ces groupes criminels dans les discussions sur l’avenir politique d’Haïti. Cette proposition, bien que choquante pour beaucoup, reflète l’état désespéré d’un pays plongé dans le chaos.
Au centre de cette controverse se trouve Jimmy “Barbecue” Chérizier, ancien policier devenu chef de guerre, et sa coalition de gangs armés, Viv Ansanm (Vivre Ensemble). Cette coalition, responsable de milliers de morts et d’innombrables souffrances, est désormais évoquée comme un interlocuteur potentiel pour résoudre la crise. Cet article explore cette proposition controversée, ses implications et les réactions qu’elle suscite.
Une proposition qui fait débat
Le 1er janvier 2025, lors de la célébration du 221ᵉ anniversaire de l’indépendance d’Haïti, Chérizier a annoncé que Viv Ansanm avait l’intention de devenir un parti politique. Cette déclaration a été suivie par l’inclusion de Viv Ansanm dans une proposition politique adressée à la Communauté des Caraïbes (CARICOM) par des leaders politiques haïtiens. Ce document, signé par des représentants de divers groupes politiques, vise à restructurer le Conseil Présidentiel de Transition (CPT), un organe chargé de préparer le pays aux élections prévues cette année.
Parmi les scénarios proposés, certains appellent à une réduction du CPT à trois membres, avec des représentants issus des secteurs judiciaire, politique et de la société civile. Viv Ansanm, bien que n’ayant pas signé l’accord politique d’avril 2024 qui a donné naissance au CPT, a été mentionnée dans le document comme soutenant cette idée de restructuration. Cette inclusion a déclenché un tollé dans certains cercles politiques et au sein de la société civile.
Les arguments en faveur de l’intégration des gangs
Pour certains politiciens, inclure les gangs dans le processus politique est une reconnaissance pragmatique de la réalité sur le terrain. Liné Balthazar, président du parti politique PHTK, a déclaré lors d’une interview à Magik 9 : « Arrêtons l’hypocrisie. Les organisations internationales et les ambassades interagissent déjà avec les gangs pour accéder à certaines zones. Nous devons aborder ce problème de manière adulte et pragmatique. Personne ne le fera à notre place. »
Selon cette perspective, les gangs contrôlent une grande partie du territoire national, y compris des zones stratégiques comme Cité Soleil et Croix-des-Bouquets. Leur influence sur les déplacements, l’économie informelle et même l’accès humanitaire est indéniable. Pour certains, les intégrer dans les discussions politiques pourrait favoriser un cessez-le-feu et permettre une stabilisation progressive du pays.
Les dangers et objections à cette stratégie
Cette approche suscite cependant une vive opposition. Pierre Espérance, défenseur des droits humains, dénonce une tentative de légitimation des criminels : « Inclure les gangs dans un accord politique, c’est renforcer l’impunité et normaliser la violence. Cela montre que la classe politique a échoué dans sa mission de protéger la population. »
D’autres critiques soulignent que ces gangs sont responsables de meurtres, de viols, de déplacements forcés et d’innombrables violations des droits humains. Selon Samuel Madistin, avocat et ancien candidat à la présidence, « négocier avec ces terroristes revient à cracher sur la mémoire de leurs victimes et à mépriser les souffrances des Haïtiens. »
En outre, les gangs ne sont pas seulement perçus comme des acteurs criminels, mais aussi comme des catalyseurs de la crise humanitaire actuelle. Avec plus de 5 600 morts liés à la violence des gangs en 2024, selon les Nations Unies, la perspective de leur confier une quelconque légitimité politique est jugée intolérable par une majorité d’Haïtiens.
La violence des gangs a provoqué une crise humanitaire comparable à celle qui a suivi le tremblement de terre de 2010. Des milliers de familles ont été déplacées, plus de 700 000, des quartiers entiers sont sous le contrôle de groupes armés soit 80 % de la capitale haïtienne, et les populations locales vivent dans une peur constante.
Cette réalité a conduit certains leaders caribéens, lors des discussions de 2024 sur la transition politique, à suggérer d’impliquer les gangs. Cependant, cette proposition a été rejetée par les États-Unis qui communiquent avec les gangs et la France deux maitre de ce pays, ils estiment selon l’un de leur média, Miami Herald qu’une telle stratégie ne ferait que renforcer ces groupes criminels et compromettre davantage l’autorité de l’État
Cette discussion reflète une normalisation inquiétante de la violence et de l’impunité. La mention de Viv Ansanm dans le document adressé à la CARICOM a été/est perçue comme un signe de l’infiltration des gangs dans les cercles politiques. Selon les observateurs, cela montre que certains politiciens maintiennent des liens étroits avec ces groupes, compromettant ainsi leur capacité à gouverner avec intégrité.
Samuel Madistin résume ce sentiment : « Le rôle du gouvernement est de neutraliser les gangs, pas de négocier avec eux. Renforcer l’armée et la police est la seule solution viable. » Les critiques craignent que l’intégration des gangs dans les discussions politiques n’aggrave le problème en légitimant des acteurs qui ont contribué à l’effondrement de l’État.
La question de savoir si les gangs peuvent jouer un rôle dans la résolution de la crise reste profondément divisive. Pour certains, c’est une nécessité pragmatique, nous faisons allusion aux demandeurs ; pour d’autres, une trahison des principes fondamentaux de l’État de droit.
Le risque principal est que cette approche encourage une culture de l’impunité. Si les criminels sont récompensés par une place à la table des négociations, cela pourrait envoyer un message dangereux à d’autres groupes armés. De plus, cela compromettrait la confiance de la population dans les institutions publiques, déjà fortement érodée.
Alors que les élections sont prévues pour 2025, la pression monte sur les dirigeants haïtiens pour qu’ils trouvent une solution durable à la crise. La restructuration du CPT, la réforme des forces de sécurité et la réaffirmation de l’autorité de l’État figurent parmi les priorités. Une alliance entre Viv Ansanm, BSAP nous amèneront vers la plus belle des élections haïtienne, juste pour rire et triste à la fois.