Le Sénégal amorce un virage historique en décidant de débaptiser de nombreuses rues portant les noms de figures liées à la colonisation française. Cette initiative, portée par le président Bassirou Diomaye Faye, vise à valoriser les héros nationaux et à réécrire un récit national affranchi de l’héritage colonial.
Dans le centre de Dakar, de nombreuses rues portent encore les noms de personnalités françaises associées à la période coloniale. Une étude publiée en 2019 révèle que 60 % des rues de la capitale rendent hommage à des acteurs de cette époque. Parmi elles, l’avenue Carnot, emblématique de cette empreinte coloniale, pourrait bientôt disparaître au profit d’un nom honorant un héros sénégalais.
Cette refonte s’inscrit dans un projet plus vaste porté par le président Faye, qui a confié à son Premier ministre, Ousmane Sonko, la mission de créer un Conseil national de la mémoire et de la gestion du patrimoine historique. Cet organe aura pour objectif de repenser le patrimoine urbain et culturel afin de mieux refléter l’identité et les aspirations du Sénégal moderne.
Le Sénégal n’est pas seul dans cette démarche. Ces dernières années, plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest ont pris des mesures similaires pour se libérer des vestiges du passé colonial.
- Au Mali, les autorités ont annoncé en mai 2024 un vaste plan de rebaptisation des monuments, rues et édifices publics.
- Au Burkina Faso, en octobre 2023, l’avenue Charles de Gaulle a été renommée avenue Thomas Sankara, en hommage à l’ancien président révolutionnaire.
- Au Niger, un processus similaire est en cours, témoignant d’une volonté régionale de se réapproprier l’espace public et de valoriser les figures nationales.
Ces initiatives montrent une prise de conscience collective en Afrique, visant à réévaluer les relations avec un passé souvent marqué par la domination coloniale.
Pour Bassirou Diomaye Faye, ce projet va bien au-delà des simples changements de noms de rues. Il s’agit de réhabiliter les héros qui ont marqué l’histoire du Sénégal. Le président a récemment inauguré, à Thiès, une imposante statue en hommage à Lat Dior, figure emblématique de la résistance contre la colonisation.
Le 1er décembre dernier, lors des commémorations du massacre de Thiaroye en 1944, le président a réaffirmé son engagement à honorer la mémoire des tirailleurs sénégalais, victimes de l’armée française pour avoir revendiqué leurs droits. Cette démarche souligne une volonté de valoriser des épisodes souvent occultés de l’histoire nationale.
La volonté de débaptiser les rues et de réaménager le patrimoine urbain illustre un désir profond de tourner la page du colonialisme. En mettant en avant des figures locales et des événements marquants de l’histoire sénégalaise, le président Faye ambitionne de renforcer l’identité nationale et d’insuffler une fierté renouvelée dans la mémoire collective.
Ce processus de transformation urbaine s’inscrit dans une dynamique plus large, où les pays africains revendiquent leur autonomie culturelle et réécrivent leur propre histoire.