Garry Conille, Premier ministre haïtien, a vivement réagi à l’annonce de son éviction par le Conseil présidentiel de transition, affirmant que cette décision constitue un « abus de pouvoir » et une « violation des principes fondamentaux de la Constitution haïtienne. »
Le Conseil présidentiel de transition a récemment annoncé la révocation de Conille, en poste depuis juin 2024, dans un contexte où le pays est miné par une crise sécuritaire et politique de grande envergure. Conille a souligné que cette mesure, prise « en dehors de tout cadre légal et constitutionnel, » manque de légitimité institutionnelle.
Une décision anticonstitutionnelle selon Conille
Dans une déclaration officielle signée en tant que « Premier Ministre », Conille invoque l’article 158 de la Constitution haïtienne, précisant que le poste de Premier ministre est uniquement responsable devant le Parlement, et que seule une démission ou une motion de censure de cet organe peut mettre fin à ses fonctions.
« En aucun cas, le Conseil présidentiel, même en tant qu’organe de transition, ne peut se substituer au Parlement ni exercer un pouvoir qui ne lui a pas été accordé. Bien qu’il ait la prérogative de nommer le Premier ministre, aucun texte juridique ne lui donne le pouvoir de le révoquer, » souligne Conille.
Un « abus de pouvoir » dans un contexte de crise humanitaire
Conille estime que cette révocation constitue un « abus de pouvoir » et accuse le Conseil présidentiel de transition d’affaiblir davantage les institutions haïtiennes, exacerbant une situation déjà critique. Il évoque les nombreux défis auxquels Haïti est confronté : la montée en puissance des gangs qui contrôlent désormais 80 % de la capitale, une crise de sécurité publique, une crise alimentaire qui frappe les plus vulnérables, et des milliers de familles déplacées.
« Nous traversons une crise extrêmement urgente. Haïti fait face à des défis colossaux qui nécessitent une gouvernance stable et légale, » déclare Conille.
Un appel à l’unité et à la responsabilité
Malgré la tension autour de cette décision, Conille affirme son engagement pour l’unité nationale et la responsabilité, soulignant qu’il refuse de céder à la division. Il exprime son intention de rester en collaboration avec les acteurs politiques et sociaux ayant signé l’Accord du 3 avril, qui, selon lui, détiennent la légitimité pour guider la transition.
« En tant que Premier ministre et citoyen haïtien, je choisis de répondre à cette situation par la responsabilité et non par la division. Je reste déterminé à travailler de manière constructive pour la paix et la stabilité d’Haïti, et à défendre une gouvernance démocratique et inclusive. »
La nomination d’Alix Didier Fils-Aimé : une nouvelle étape pour le Conseil présidentiel
Selon l’AFP, cette décision de limoger Conille a été précédée de plusieurs semaines de tensions entre le Premier ministre et le Conseil présidentiel de transition. Le Conseil, composé de neuf membres et mis en place en avril 2024, avait cherché à changer les responsables des ministères de la Justice, des Finances, de la Défense et de la Santé – une initiative que Conille avait fermement rejetée, qualifiant ces manœuvres de tentative de « déstabilisation institutionnelle. »
Alix Didier Fils-Aimé, homme d’affaires respecté et ancien candidat au Sénat, a été désigné pour remplacer Conille. Sa nomination marque un tournant, alors que le Conseil présidentiel de transition se concentre sur la sécurisation du pays et l’organisation d’élections pour restaurer la stabilité.
Haïti dans la tourmente : des défis de taille pour le nouveau Premier ministre
Ce remaniement survient dans un contexte où Haïti lutte pour retrouver un semblant de stabilité après des mois de violences et de troubles sociaux. Avec la nomination de Fils-Aimé, le Conseil présidentiel espère relever le défi d’unifier les forces en présence, rétablir la sécurité, et ouvrir la voie à une gouvernance démocratique plus solide.