En Haïti, l’ironie n’a jamais été aussi palpable. Alors que les massacres à Warf Jérémie et à Petite-Rivière de l’Artibonite laissent des familles en deuil et une population traumatisée, le « Konsèy Prezidansyèl Tranzisyon » (KPT) choisit de célébrer dans le confort de la Vila Dakèy. Une soirée festive, teintée d’insouciance, alors que les rues du pays crient justice et sécurité.
Le 19 décembre 2024, pendant que les corps s’empilent et que l’angoisse devient le quotidien de milliers de citoyens, Leslie Voltaire, président du KPT, adressait ses vœux de fin d’année. Autour de lui, un parterre de personnalités : le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, des membres du gouvernement, des figures diplomatiques, et même les chefs des Forces armées et de la Police nationale. Une scène digne d’un tableau d’hypocrisie bien orchestré.
Dans son intervention, Leslie Voltaire a salué l’appui de la communauté internationale, avant de promettre que 2025 serait une année d’espoir. Un espoir pour qui, exactement ? Les habitants de Warf Jérémie, où Ayibopost rapporte plus de 300 morts, ou ceux de l’Artibonite, toujours sous la menace des gangs ? Pendant que les interventions policières peinent à contenir l’hémorragie de violence, les autorités préfèrent parler de futur radieux. Mais que faire de ces promesses creuses quand le présent est un cauchemar ?
Si l’on devait juger de l’engagement des autorités à travers cette fête, on comprend vite que les priorités sont ailleurs. Organiser un dîner, réunir l’élite politique et diplomatique, et partager des voeux semble bien plus urgent que de protéger des vies ou d’instaurer un semblant de sécurité. Ce contraste entre la réalité des citoyens et les agissements des dirigeants ne fait qu’alimenter une colère légitime.
Pourtant, ce n’est pas nouveau. Haïti est habituée à ces scènes où la déconnexion entre les dirigeants et le peuple atteint des sommets. Mais cette fois-ci, le fossé semble abyssal. Les morts s’accumulent, les familles pleurent, et les dirigeants trinquent. Ce tableau illustre parfaitement l’ironie tragique qui enveloppe le pays : un gouvernement qui promet un avenir meilleur tout en tournant le dos aux urgences du présent.
Pour les citoyens, il ne reste que des questions. Combien de massacres encore avant une vraie réaction ? Qui viendra réellement en aide à ceux qui en ont besoin ? Pendant ce temps, les dirigeants continuent de miser sur l’aide internationale, comme si les solutions devaient venir d’ailleurs. Une stratégie qui laisse peu de place à l’autonomie et encore moins à l’espoir d’un changement véritable.