Les sanctions américaines contre des personnalités politiques haïtiennes, dont l’ancien président Michel Martelly, soulèvent des questions cruciales sur la sincérité de l’Occident dans sa lutte contre la corruption et la criminalité en Haïti. Loin d’être un effort constant pour instaurer la stabilité dans le pays, ces mesures semblent répondre aux intérêts géopolitiques des États-Unis et de leurs alliés, illustrant une politique d’opportunisme plus que de justice. Peu importe l’administration en place – qu’elle soit démocrate ou républicaine –, l’intérêt américain en Haïti reste inchangé, comme le montrent les décisions de précédents présidents.
Politique Américaine en Haïti : Illusion de Changements avec les Administrations
Le retour éventuel de Donald Trump à la Maison-Blanche pourrait marquer un recul des pressions démocratiques dans la région, mais la réalité est que la politique étrangère américaine envers Haïti n’a jamais véritablement visé à résoudre les crises internes du pays. Cette constante se manifeste même sous les administrations démocrates, que beaucoup de Haïtiens considèrent comme plus bienveillantes. Par exemple, sous Barack Obama, figure très appréciée en Haïti, aucun effort substantiel n’a été fait pour lever les restrictions commerciales qui pèsent sur le pays, ni pour engager une politique de développement efficace qui aurait pu atténuer les crises répétitives. L’administration Obama, comme d’autres avant elle, a maintenu un statu quo qui protège les intérêts stratégiques américains sans prendre en compte les besoins de la population haïtienne.
Frandley Denis Julien, avocat spécialisé en relations internationales, souligne d’ailleurs que le retour de Trump pourrait même encourager les leaders haïtiens à rechercher des soutiens auprès de nouveaux acteurs influents aux États-Unis. Selon lui, sous Trump, « les valeurs démocratiques pourraient être reléguées au second plan », et les personnes sanctionnées pourraient chercher à exploiter des connexions pour éviter les sanctions. Mais en réalité, cette flexibilité face aux abus n’est pas exclusive à l’administration Trump. Elle révèle une politique américaine plus large, où l’intérêt national prime sur toute notion de démocratie ou de justice dans la région caribéenne.
Des Alliances Sélectives et des Intérêts Pragmatiques
L’illusion d’une différence entre républicains et démocrates en matière de politique étrangère devient encore plus évidente avec l’analyse des alliances stratégiques des États-Unis. Même lorsque des sanctions sont prononcées, comme celles imposées récemment à Michel Martelly par le Département du Trésor pour trafic de drogue et blanchiment, leur impact reste limité. Me Denis Julien rappelle que de nombreux responsables politiques haïtiens ayant des liens douteux continuent de résider aux États-Unis, souvent sans poursuites, ce qui remet en cause la sincérité de l’engagement américain contre la corruption. Dans un contexte où les intérêts géopolitiques l’emportent, les États-Unis préfèrent souvent maintenir des relations avec des acteurs locaux influents plutôt que de promouvoir une véritable réforme politique.
Le cas de Michel Martelly est d’autant plus révélateur que des preuves substantielles auraient été rassemblées par les agences américaines, incluant le DEA, sur ses liens avec le trafic de cocaïne. Mais malgré ces sanctions, aucune poursuite n’a été lancée, et il est permis de s’interroger si la collaboration entre les États-Unis et Martelly – autrefois allié stratégique – n’a pas retardé l’aboutissement de ces enquêtes. Me Julien mentionne l’exemple de Manuel Noriega, autre allié devenu ennemi, pour rappeler que la politique américaine privilégie souvent des alliances utiles jusqu’à ce que celles-ci deviennent obsolètes ou nuisibles.
L’ONU et l’Occident : Un Engagement Conditionné
Ce manque de sincérité ne concerne pas seulement les États-Unis mais aussi les organisations internationales comme l’ONU et l’OEA, qui semblent appuyer les décisions américaines sans réelle volonté de réforme structurelle. La question devient alors : l’Occident est-il réellement engagé dans le rétablissement de l’ordre en Haïti, ou cherche-t-il seulement à consolider son influence régionale à travers des alliances opportunistes ? En signant des accords de coopération ou en approuvant des interventions, l’ONU et d’autres institutions donnent l’apparence de s’impliquer, mais la réalité reste que ces actions ne visent souvent qu’à renforcer un système de dépendance qui maintient la région sous contrôle.
Haïti et l’Occident : Vers une Approche Plus Indépendante ?
Pour que des changements réels se produisent en Haïti, il est crucial que les sanctions s’accompagnent d’actes concrets comme des poursuites judiciaires et un soutien aux initiatives locales de bonne gouvernance. La communauté internationale doit abandonner les alliances opportunistes qui empêchent le pays d’évoluer vers la stabilité et de prendre en main son propre avenir. Sans cela, les sanctions resteront une façade qui dissimule une politique d’ingérence où les intérêts géopolitiques priment sur le bien-être des populations.
En définitive, les Haïtiens ne doivent plus être dupes des discours changeants des administrations américaines successives. La politique étrangère des États-Unis n’a jamais véritablement visé la stabilité et la prospérité de la région, que ce soit sous un président républicain ou démocrate. Si les sanctions envers les dirigeants corrompus en Haïti ne sont pas suivies de mesures solides et d’une transparence accrue, elles risquent de demeurer des outils symboliques, inadaptés à la situation d’un pays en quête d’une vraie transformation.