Les haïtiens en République Dominicaine : des boucs émissaires dans un climat de peur et de violence

En République dominicaine, les tensions entre Dominicains et Haïtiens atteignent des sommets inquiétants. Dernièrement, des données alarmantes publiées par Listín Diario révèlent que les actes criminels impliquant des Haïtiens sont en augmentation. Mais derrière ces chiffres se cache une réalité bien plus complexe : celle d’une communauté stigmatisée et rendue responsable de nombreux maux, souvent sans preuves solides.

En 2024, 212 homicides auraient impliqué des Haïtiens, selon les autorités dominicaines. Parmi eux, 122 sont liés à des conflits sociaux, 43 à des actes criminels, et 22 restent en cours d’investigation. Ces chiffres représentent 16,4 % de la tasa de homicidios du pays, un détail que certains médias dominicains n’ont pas manqué de mettre en avant pour alimenter un discours alarmiste.

Mais ce qui interpelle, c’est que ces chiffres sont souvent présentés hors de leur contexte. La majorité des Haïtiens vivant en République dominicaine ne sont pas comptabilisés dans la population de base utilisée pour calculer les taux de criminalité. Cela conduit à une surestimation des proportions.

De plus, l’absence d’identification formelle des auteurs matériels dans de nombreux cas jette un sérieux doute sur la validité de ces statistiques. En réalité, beaucoup de ces crimes restent impunis, et les enquêtes s’éternisent, renforçant la stigmatisation plutôt que de chercher des solutions.

Selon les autorités, 49,6 % des homicides imputés aux Haïtiens auraient été commis avec des armes blanches comme des couteaux ou des machettes. Ce détail, largement relayé par les médias, contribue à peindre un tableau effrayant d’une communauté perçue comme violente et incontrôlable.

Mais cette narration omet de mentionner les contextes dans lesquels ces crimes se produisent, souvent dans des zones rurales ou marginalisées où les armes à feu sont rares et les tensions sociales exacerbées.

Des incidents isolés, comme le meurtre en juin 2024 d’un hacendado par un travailleur haïtien après une « petite dispute », sont amplifiés pour nourrir un climat de méfiance. En septembre 2023, le meurtre de quatre personnes à Aminilla, dans la province de Dajabón, avait déjà suscité une vague d’indignation. Dans ce cas, une bande mixte de Haïtiens et de Dominicains a été impliquée, mais les projecteurs sont restés braqués sur les suspects haïtiens.

Cette focalisation unilatérale sur les Haïtiens occulte une réalité bien plus nuancée. Elle alimente une rhétorique qui transforme cette communauté en bouc émissaire, masquant ainsi les responsabilités partagées dans la montée de la criminalité.

La diabolisation des Haïtiens en République dominicaine ne se limite pas aux discours médiatiques. Elle se traduit par des arrestations arbitraires, des expulsions massives, et un climat d’insécurité permanent pour cette communauté. Être Haïtien, dans ce contexte, revient à porter une cible sur son dos.

Ce discours alimenté par des statistiques manipulées et des récits biaisés menace non seulement la sécurité des Haïtiens, mais aussi les relations déjà tendues entre les deux nations partageant l’île d’Hispaniola.

La criminalité est un problème complexe, enraciné dans des inégalités sociales et économiques profondes. Accuser une communauté entière ne résoudra rien.

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