Introduction : Une Date Symbolique et une Réalité Amère
Le 18 novembre, une date clé pour la mémoire haïtienne marquant la victoire décisive des esclaves sur les troupes coloniales françaises à Vertières en 1803, Haïti se trouve une fois de plus plongé dans une tourmente. Mais cette fois-ci, il ne s’agit pas d’une lutte pour l’indépendance, mais d’un combat contre l’insécurité généralisée qui gangrène le pays. Alors que les forces étrangères, déployées sous l’égide de la Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité (MMSS), peinent à contenir l’anarchie, le constat d’échec devient de plus en plus difficile à ignorer.
Où Sont Passées les Forces Étrangères ? Une Absence Criante
Depuis octobre 2024, Haïti fait face à une vague de violence sans précédent orchestrée par les gangs armés, en particulier la coalition « Viv Ansanm », qui sème la terreur dans la capitale, Port-au-Prince. Pourtant, malgré la présence annoncée de plus de 400 policiers kenyans, renforcés par des contingents de Jamaïcains et de Bahamiens, la population se demande où sont ces forces censées apporter la sécurité.
Le commandant en chef de la MMSS, Godfrey Otunge, avait pourtant promis que les jours des gangs étaient comptés. Mais sur le terrain, ce sont les bandes armées qui semblent avoir pris le dessus, défiant ouvertement l’autorité de l’État et s’emparant de nouveaux quartiers.
La Chute de Solino : Un Tournant Décisif
Le quartier de Solino, en plein cœur de Port-au-Prince, a récemment été la scène d’une offensive brutale des gangs. Des incendies, des pillages et des violences impitoyables ont forcé des milliers de personnes à fuir, aggravant une crise humanitaire déjà critique. Pendant ce temps, la présence des troupes étrangères reste discrète, voire invisible. Les autorités locales et la population dénoncent un manque flagrant d’engagement, certains accusant même les forces étrangères de refuser d’intervenir directement dans les zones contrôlées par les gangs.
Un Déploiement Timide et Inefficace : Les Critiques se Multiplient
La mission internationale, composée en grande partie de policiers kenyans, a été critiquée pour son approche prudente. Dans des zones comme Solino et Bél’Air, des habitants affirment que les forces étrangères, bien que présentes, évitent les opérations offensives contre les gangs. Des témoignages font état d’hésitations et de manque de coordination avec les forces locales, renforçant la perception d’une mission inefficace.
Cette situation rappelle le précédent douloureux des anciennes missions internationales en Haïti, souvent accusées d’être mieux adaptées à la sécurité des expatriés et des installations stratégiques qu’à la protection de la population haïtienne elle-même.
Une Crise Humanitaire sans Précédent : Les Déplacés se Comptent par Centaines de Milliers
Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), plus de 700 000 Haïtiens sont actuellement déplacés internes, la moitié d’entre eux étant des enfants. La crise humanitaire atteint des niveaux alarmants, avec des dizaines de milliers de nouveaux déplacés chaque mois à cause de la violence des gangs. La chute de Solino n’a fait qu’accentuer cette situation désespérée, et de nombreuses familles fuient dans des conditions précaires, souvent sans aucun soutien.
Un Constat d’Échec pour la MMSS ?
Malgré la situation chaotique, certaines voix continuent de vanter les réussites des forces étrangères. La presse kenyane, par exemple, n’hésite pas à s’attribuer des victoires qui reviennent en réalité aux policiers haïtiens. Parmi celles-ci, la reprise de l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti (HUE) et quelques autres actions ciblées. Pourtant, sur le terrain, l’insécurité persiste et la population se sent de plus en plus abandonnée.
Le Spectre du Passé : Une Nouvelle Mission de Paix Sous l’ONU ?
Face à l’escalade de la violence, la Organisation des États Américains (OEA) a proposé de transformer la MMSS en une mission de maintien de la paix sous l’égide de l’ONU, pour obtenir des financements plus solides et un mandat élargi. Mais cette idée suscite des débats houleux, rappelant les controverses et les échecs des précédentes missions de l’ONU en Haïti.
Les Forces Étrangères Sur la Défensive
La situation a pris une tournure délicate pour certains pays participants. Les autorités bahamiennes, par exemple, ont annoncé que leurs policiers déployés en Haïti pourraient rentrer chez eux s’ils se sentaient menacés, une déclaration qui met en lumière l’ambivalence de cette mission internationale. Pendant ce temps, Port-au-Prince reste coupé du reste du pays, avec des routes stratégiques aux mains des gangs et une capitale paralysée par la peur.
Une Impuissance Qui Favorise les Gangs
Alors que les Haïtiens attendent désespérément un soutien réel, la lenteur et l’inefficacité des forces étrangères font le jeu des groupes armés. À chaque annonce de renfort ou de déclaration officielle, les gangs semblent redoubler d’audace. Le manque de coordination avec les autorités haïtiennes, ainsi que des problèmes logistiques et financiers, minent la crédibilité de la MMSS. Les retards de salaires pour les contingents kenyans, par exemple, ont été un facteur supplémentaire de démotivation, révélant les failles d’une mission mal préparée.
Le 18 Novembre, Une Leçon Non Apprise
En ce 18 novembre 2024, jour où Haïti commémore la victoire héroïque de Vertières, la situation du pays semble ironique. La nation qui a su repousser l’un des plus grands empires de son temps se retrouve aujourd’hui paralysée par des gangs locaux, tandis que les forces étrangères, invitées pour restaurer l’ordre, semblent impuissantes face à l’ampleur de la tâche. Pour beaucoup d’Haïtiens, cette situation résonne comme un échec cuisant, un rappel que la véritable sécurité et la souveraineté ne viendront pas de l’extérieur, mais d’une volonté politique et d’unité nationale solides.