Bras de fer entre le Niger et Orano : une bataille pour l’uranium
Les militaires au pouvoir au Niger a franchi une étape décisive dans son bras de fer avec l’ex-puissance coloniale française. Le géant français de l’uranium Orano a annoncé, le 4 décembre 2024, que les autorités nigériennes avaient pris le contrôle opérationnel de sa filiale Somaïr, marquant une nouvelle escalade des tensions entre Niamey et Paris.
La Somaïr, société des mines de l’Aïr, est détenue à 63,4 % par Orano et 36,6 % par l’État du Niger. Cependant, les décisions prises lors des conseils d’administration ne sont plus appliquées, selon Orano, qui évoque une situation où le régime nigérien impose désormais ses directives.
Un symbole de la souveraineté minière
Depuis son arrivée au pouvoir en juillet 2023, les militaires nigériennes a placé la souveraineté au cœur de ses priorités, en particulier sur la gestion des ressources naturelles. En juin dernier, le Niger avait déjà retiré à Orano le permis d’exploitation du méga-gisement d’Imouraren, estimé à 200 000 tonnes de réserves d’uranium, avant de forcer la suspension de la production de Somaïr en octobre.
Les tensions sont exacerbées par l’incapacité d’Orano à exporter environ 1 150 tonnes de concentré d’uranium, issues des stocks de 2023 et 2024, représentant une valeur marchande de 200 millions d’euros.
Le Niger, qui représente 4,7 % de la production mondiale d’uranium naturel, cherche désormais à diversifier ses partenaires économiques. En novembre, le ministre nigérien des Mines, Ousmane Abarchi, avait invité des sociétés russes à explorer et exploiter les ressources naturelles du pays.
Pour Orano, cette situation met en péril la santé financière de Somaïr, les décisions de suspension des dépenses de production ayant été bloquées par les autorités. Le groupe envisage désormais une action en justice, ce qui pourrait ouvrir un nouveau chapitre dans ce conflit.
un tournant géopolitique
Ce bras de fer met en lumière les tensions croissantes entre les anciennes puissances coloniales et les pays africains cherchant à contrôler leurs ressources stratégiques. Si le Niger parvient à redistribuer ses ressources à d’autres partenaires, comme la Russie, cela pourrait marquer un tournant dans l’équilibre géopolitique de la région et dans le marché mondial de l’uranium.
En affirmant son autorité sur Somaïr, le Niger s’oppose frontalement à la France et renforce sa posture souverainiste, un signal fort envoyé aux multinationales opérant dans ses frontières. Cette situation pourrait également inspirer d’autres nations africaines à revoir leurs relations économiques avec des entreprises étrangères.
Le contrôle opérationnel de Somaïr par le Niger est bien plus qu’un conflit commercial. C’est une affirmation de souveraineté nationale et un défi lancé à l’ordre économique établi. La question reste de savoir si ce regain de contrôle sur ses ressources permettra au Niger de maximiser ses bénéfices ou si cette confrontation avec Orano et d’autres partenaires étrangers isolera davantage le pays sur la scène internationale.