Le président colombien Gustavo Petro a suspendu, le 17 janvier 2025, les négociations de paix avec l’Armée de libération nationale (ELN), suite à une série d’affrontements meurtriers ayant fait au moins 39 morts et plus de 20 blessés en deux jours. Ces violences, concentrées dans le nord et le nord-est du pays, marquent une escalade préoccupante dans le conflit armé qui ravage la Colombie depuis des décennies.
Dans le département de Córdoba, situé au nord du pays, des combats ont opposé l’ELN au Clan del Golfo, un puissant cartel de la drogue. Ces affrontements ont causé la mort de neuf personnes, selon Gabriel Calle, maire de Montelíbano. Les corps des victimes ont été retrouvés emballés dans des sacs plastiques, un sinistre rappel des méthodes brutales utilisées par ces groupes armés.
Dans la région du Catatumbo, située à la frontière avec le Venezuela, une autre série d’attaques a impliqué l’ELN et des dissidents des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie). Selon William Villamizar, gouverneur du département de Norte de Santander, ces violences ont causé 30 morts et plus de 20 blessés. Les affrontements, motivés par la lutte pour le contrôle du trafic de drogue dans cette région riche en coca, ont également provoqué le déplacement de dizaines de familles.
Le président Petro a qualifié les violences de l’ELN dans le Catatumbo de « crimes de guerre », justifiant ainsi la suspension immédiate des pourparlers. « L’ELN démontre une absence totale de volonté de paix », a-t-il déclaré sur le réseau social X. Iris Marin, médiatrice pour les droits humains, a dénoncé les exactions de l’ELN, accusé d’attaquer directement la population civile et de commettre des assassinats ciblés dans plusieurs villages. Près de 20 personnes sont également portées disparues, amplifiant la gravité de la situation.
Elizabeth Dickinson, analyste à l’International Crisis Group, a mis en garde contre une intensification de la stratégie militaire de l’ELN, estimant qu’il s’agit moins d’incidents isolés que d’une campagne planifiée pour renforcer leur emprise territoriale et économique.
Depuis son élection en 2022, Gustavo Petro, premier président de gauche de la Colombie, s’est engagé à négocier avec les groupes armés pour mettre fin à six décennies de conflit. Cependant, les pourparlers avec l’ELN, entamés fin 2022, ont été marqués par des avancées limitées et des suspensions successives, notamment en septembre 2024. La reprise des négociations en novembre dernier n’a pas empêché l’intensification des hostilités sur le terrain.
Ces tensions rappellent les défis persistants de l’accord de paix de 2016 signé avec les FARC, qui, bien qu’ayant démobilisé une grande partie des combattants, a laissé place à une fragmentation du conflit avec l’émergence de groupes dissidents, de l’ELN et d’autres acteurs criminels comme le Clan del Golfo.
La Colombie, premier producteur mondial de cocaïne, reste au centre des luttes territoriales pour le contrôle des routes du trafic de drogue. Dans la région du Catatumbo, où plus de 52 000 hectares de coca sont cultivés, les groupes armés rivalisent pour dominer ce corridor stratégique menant au Venezuela. Cette économie illicite finance les activités militaires des groupes armés, perpétuant un cycle de violence difficile à brise
Les récents affrontements mettent en lumière une crise humanitaire alarmante. Les déplacements forcés, les attaques contre les civils et la recrudescence des violences compliquent davantage les efforts de paix du gouvernement Petro. Otty Patiño, négociateur en chef du gouvernement, a récemment accusé l’ELN d’avoir commandité une tentative d’assassinat contre l’un de ses principaux conseillers, aggravant les tensions entre les deux parties.
La suspension des négociations avec l’ELN marque un coup d’arrêt dans les efforts de réconciliation en Colombie. Alors que le président Petro se trouve confronté à un dilemme entre intensifier les opérations militaires ou relancer le dialogue, le pays reste prisonnier d’un conflit complexe mêlant intérêts économiques, enjeux géopolitiques et rivalités historiques.