Chronique-Souvenirs et réalités de la fête du Noël Haïti en 2024

Autrefois, noël en Haïti était un moment de magie et de renouveau. Les familles repeignaient leurs maisons, achetaient des draps neufs, et ceux vivant en République Dominicaine ou aux États-Unis faisaient le voyage pour partager la joie des fêtes avec leurs proches, c’est moment propice pour oublier des moments tristes, surtout lorsqu’on doit se cacher constamment pour prévenir une déportation: J’ai une femme et des enfants. C’était aussi le temps des surprises, des cadeaux, et des espoirs renouvelés: nèg oblije.

Pourtant, une femme nous confie, presque en souriant : « a pitit kote sa, depi apre 2004, pa gen fèt nowèl ankò ». Ces mots, lourds de résignation, traduisent une réalité qui perdure depuis deux décennies. La fête a perdu son éclat, et les familles haïtiennes, autrefois unies dans l’enthousiasme des préparatifs, affrontent désormais des conditions de vie marquées par l’instabilité, la pauvreté et la violence.

Souvenirs d’un noël d’antan

Les générations précédentes se rappellent encore de la fraîcheur des nuits de décembre, du parfum d’une famille réunie, d’une maison décorée et de l’excitation des enfants. Les chants de noël résonnaient dans les radios, les églises et les quartiers. Les marchés, animés par les vendeurs, regorgeaient de jouets, de bonbons, et d’épices pour les mets traditionnels.

Aujourd’hui, ces images semblent bien loin. Les troubles politiques déjouent cette joie entrainant une dégradation rapide des conditions de vie. Mais ce qui frappe le plus, c’est la disparition progressive de ces petites traditions qui rendaient noël si unique en Haïti.

Noël dans les marchés publics : un contraste saisissant

Les marchés publics sont un des rares lieux où l’activité persiste pendant les fêtes. À la rue Zéro, au Cap-Haïtien, les marchandes s’installent dès l’aube, malgré les pluies, les odeurs nauséabondes et la boue omniprésente. Certaines vendent des viandes en décomposition, tandis que d’autres proposent de la nourriture cuite, insouciantes des microbes.

La foule est dense, et les acheteurs se pressent, cherchant à acheter le minimum nécessaire pour les festivités. « Mikrob pa tiye malere », disent les marchands, résignés à leur sort.

Dans certaines régions du pays, c’est un peu plus grave, entre octobre et décembre 2024, Haïti a été frappée par des des massacres (au moins trois), des inondations dévastatrices. Les villes de Cap-Haïtien, Port-de-Paix, et le Sud ont particulièrement souffert. Le 23 décembre, à Port-de-Paix, on dénombrait au moins:

  • 7 morts,
  • 10 blessés,
  • 100 maisons détruites,
  • 500 maisons gravement endommagées,
  • 11 000 personnes touchées par les inondations,
  • 20 véhicules emportés.

À Port-au-Prince, la situation est encore plus critique. Le 23 décembre, un hôpital est devenu le théâtre d’un drame : deux journalistes et un policier ont été tués dans des circonstances encore floues. Ce chaos illustre la violence quotidienne qui gangrène la capitale, où plus de 300 groupes armés contrôlent désormais 80 % du territoire.

Dans ce contexte, les festivités sont quasi inexistantes. Les rares décorations aperçues dans certains quartiers riches contrastent avec la misère et la peur qui dominent le quotidien de la majorité.

Dans les transports, la réalité est tout aussi contrastée. Les « Yas » offrent un cadre légèrement plus organisé, avec des passagers relativement bien habillés et une ambiance moins chaotique. En revanche, les camionnettes, bondées à l’extrême, sont un véritable défi pour les passagers : odeurs de sueur, bousculades, et parfois des passagers debout, si proches qu’ils frôlent le visage des autres.

Les marchands eux-mêmes déconseillent de porter des vêtements blancs dans ces transports, où l’on ressort souvent « parfumé » de manière inattendue.

Autrefois, chaque quartier avait ses bases qui s’organisaient pour nettoyer les rues et préparer des activités festives. Aujourd’hui, ces pratiques ont disparu. Même les organisations locales peinent à mettre sur pied des événements pour rassembler la communauté.

Les églises continuent d’organiser des messes, et les familles, malgré tout, s’efforcent de préparer un repas, tuant une poule ou achetant quelques cuisses (Kis poul) pour marquer l’occasion. Mais l’esprit de noël semble s’être éteint, remplacé par une résignation froide.

Dans cette période, les familles reçoivent parfois de l’aide de leurs proches vivant à l’étranger. À Western Union ou dans d’autres points de transfert d’argent, on croise des gens venus retirer 50 ou 60 dollars envoyés depuis les États-Unis, le Canada, le Brésil ou encore la République Dominicaine. Ces modestes contributions permettent de tenir, même si elles sont loin de suffire.

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