Alors que le pays continue de sombrer dans une crise multidimensionnelle, le scandale de corruption impliquant des membres clés du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) refait surface, alimentant les débats sur les réseaux sociaux et dans les grands médias. Entre rumeurs, accusations, et démentis, cette affaire met en lumière non seulement les failles d’un système gangrené par la corruption, mais aussi la tendance de certaines élites et médias à détourner l’attention des vraies priorités du pays.
Un scandale au cœur du CPT
L’affaire remonte à un rapport explosif de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), révélant qu’au moins trois membres du CPT — Smith Augustin, Louis Gérald Gilles, et Emmanuel Vertilaire — seraient impliqués dans un vaste réseau de corruption lié à la Banque Nationale de Crédit (BNC). Ces conseillers auraient bénéficié de cartes de crédit pré-approuvées et d’autres avantages matériels en échange de leur soutien politique à Raoul Pascal Pierre-Louis, président du conseil d’administration de la BNC.
Parmi les faits saillants :
- Smith Augustin : Achats de 872 921,60 gourdes, aucun remboursement enregistré.
- Emmanuel Vertilaire : Dépenses de 1 078 000 gourdes en deux jours, remboursement partiel de 157 000 gourdes.
- Louis Gérald Gilles : Transactions totalisant 1 027 336 gourdes, sans remboursement complet.
Ces accusations, si elles sont confirmées, témoignent d’un système de corruption endémique, où les institutions publiques sont utilisées comme des outils d’enrichissement personnel.
Distraction ou priorité nationale ?
Cependant, au lieu de servir d’électrochoc pour initier des réformes, ce scandale semble alimenter une nouvelle distraction nationale. Les réseaux sociaux et les médias multiplient les spéculations sur le sort des conseillers impliqués, tandis que des rumeurs circulent sur des pressions internationales, notamment des États-Unis, pour leur mise à l’écart.
Pourtant, cette agitation détourne l’attention de problématiques bien plus urgentes, telles que :
- La recrudescence de l’insécurité dans plusieurs régions du pays.
- La paralysie des institutions judiciaires et administratives.
- L’absence de réformes structurelles pour garantir la tenue des élections ou la rédaction d’une nouvelle constitution.
Des institutions gangrenées
Ce scandale rappelle une vérité amère : la corruption n’est pas une exception dans les institutions haïtiennes, mais plutôt une norme bien ancrée. Du plus haut niveau de l’État jusqu’aux administrations locales, les pratiques de détournement de fonds et de népotisme sapent la confiance des citoyens.
Même au sein du CPT, censé piloter la transition, des luttes intestines pour le contrôle des nominations des directeurs généraux et l’attribution des budgets ralentissent le processus décisionnel.
Et maintenant ?
La population haïtienne, exaspérée, observe avec scepticisme l’évolution de ce dossier. Les appels à la démission des conseillers incriminés se multiplient, mais leurs départs pourraient invalider le quorum nécessaire pour maintenir le CPT en activité, plongeant le pays dans une nouvelle crise politique.
Les organisations politiques comme RED et Compromis Historique dénoncent une « machination politique » visant à affaiblir le Conseil, tandis que des acteurs internationaux insistent sur la nécessité d’exclure les conseillers impliqués pour préserver la crédibilité de la transition.
Une distraction orchestrée ?
En Haïti, les scandales de corruption deviennent souvent des outils de diversion. En focalisant l’attention publique sur des individus ou des institutions précises, ils permettent de masquer l’effondrement systémique d’un État incapable de répondre aux besoins de base de sa population.
Pendant que les médias et les élites se perdent en débats sur l’avenir des conseillers du CPT, les problèmes de fond, eux, restent sans réponse. Des millions d’Haïtiens continuent de vivre dans l’insécurité, la pauvreté, et sans perspective de changement.
Un choix à faire
Le scandale de la BNC est bien plus qu’un simple dossier de corruption. Il est le reflet de la profondeur de la crise qui ronge le pays et de l’incapacité des dirigeants à prioriser les véritables urgences nationales.
Si ce dossier peut servir à autre chose qu’à distraire, il doit être un catalyseur pour une réforme radicale des institutions. Sinon, il rejoindra la longue liste des scandales oubliés, laissant derrière lui un pays toujours plus affaibli et une population toujours plus désabusée.
Haïti n’a pas besoin d’une distraction de plus, mais d’un réveil collectif.