Ni prière, ni litanie, Monsieur le Président

Vous n’avez pas besoin d’aller au Vatican pour rencontrer la figure mariale de l’Église catholique. Une bougie bleue et un chapelet suffisent. Si un peu de syncrétisme vous intéresse, un verre d’eau et un foulard bleu ciel peuvent aussi faire l’affaire.

Vous affirmez que votre voyage au Vatican avait pour but de demander à Notre-Dame du Perpétuel Secours d’intercéder pour le peuple haïtien, comme ce fut le cas en 1882. Monsieur le Président, dans une République, certaines blagues sont de mauvais augure. La vôtre malheureusement n’échappe pas à la règle.

Arrêtez votre démagogie.

Un tel propos, s’il n’a pas pour vocation une manipulation malsaine, ne saurait être tenu au XXIᵉ siècle par un président de la République. Le sort actuel du peuple haïtien est le résultat de décennies de pratiques politiques anarchiques. C’est donc dans l’ordre du social et du politique qu’il faut chercher les causes. Pour en sortir, ni prières, ni litanies ne garantira une sortie de crise, mais seules des décisions politiques courageuses peuvent nous aider à une sortie de crise. Il faut, plus que jamais, des autorités à la hauteur de leur mission. Pas plus, pas moins.

Ni homélie, ni vèvè. Dans un ton christique, je vous dirais : “Rendez à César ce qui est à César.” Nous vivons aujourd’hui les conséquences de nos inconséquences. Depuis Machiavel, nous savons que la politique obéit à ses propres lois et ne doit pas être soumise, entre autres, aux considérations religieuses.

Ces pensées magico-religieuses réductionnistes nous empêchent de construire une vision du monde fondée sur la rationalité, alors que la modernité repose sur la science et la connaissance. Ce sont ces mêmes schémas de pensée qui nous conduisent, bêtement, à accuser le vaudou d’être la cause des souffrances de la société haïtienne. Ces raccourcis intellectuels nous empêchent également de comprendre les véritables raisons pour lesquelles les gangs armés prospèrent et restent si difficiles à éradiquer. Des discours faciles, simplistes et fallacieux. Ce sont encore ces mêmes croyances magico-religieuses qui ont poussé un chef de gang à lyncher plus d’une cinquantaine de femmes âgées, les accusant d’avoir jeté un sort sur son fils.

Ni prière, ni Vierge, Monsieur le Président.

Le peuple haïtien ne vous demande pas de prier pour sa souffrance. Il exige que vous agissiez en homme d’État, que vous lui garantissiez la sécurité et un minimum de bien-être.

Ni prière, ni litanie, Monsieur le Président !

Grégory PIERRE
Sociologue

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