La disparition de Jean-Marie Le Pen marque la fin d’une ère dans l’histoire politique française, et plus particulièrement celle de l’extrême droite. Ce mardi 7 janvier, la famille de celui qui a fondé le Front national (devenu Rassemblement national) a annoncé son décès à l’AFP. Âgé de 96 ans, Jean-Marie Le Pen a laissé une empreinte durable, controversée et polarisante sur la politique française. Ancien soldat des guerres d’Indochine et d’Algérie, où il fut accusé de torture, il fut également candidat à cinq reprises à l’élection présidentielle.
Né à La Trinité-sur-Mer, dans le Morbihan, Jean-Marie Le Pen a été élu pour la première fois député en 1956, à 28 ans, sous l’étiquette poujadiste. Après cette première expérience parlementaire, il prend en 1972 la direction du tout jeune Front national, alors émanation du mouvement nationaliste Ordre Nouveau. Dès ses débuts, Le Pen impose un ton et une ligne idéologique marqués par des slogans chocs, tels que : « Un million de chômeurs, c’est un million d’immigrés en trop. » Toutefois, ses premières années à la tête du parti sont compliquées : il ne rassemble que 0,75 % des voix lors de la présidentielle de 1974 et doit renoncer à se présenter en 1981, faute de parrainages.
Les années 1980 marquent un tournant pour Jean-Marie Le Pen et le Front national. Après des succès locaux, notamment aux municipales de 1983 à Dreux, le parti réalise une percée aux élections européennes de 1984 avec 11 % des suffrages. Mais c’est surtout en 1986 que le FN entre en force à l’Assemblée nationale, profitant du passage au scrutin proportionnel : avec 9,7 % des voix, il obtient 37 sièges. Jean-Marie Le Pen s’entoure alors de figures clés comme Bruno Gollnisch, Jacques Bompard ou encore Bruno Mégret.
Le Pen s’emploie à donner une image de respectabilité à son mouvement : « On attend des députés au crâne rasé. On va découvrir des élus réfléchis et résolus », déclarait-il en 1986, jetant les bases d’une stratégie de « normalisation » que sa fille Marine adoptera plus tard.
Malgré ses succès électoraux, la carrière de Jean-Marie Le Pen est jalonnée de polémiques. En septembre 1987, invité de RTL, il qualifie les chambres à gaz de « détail de l’histoire », déclenchant une vague d’indignation et de poursuites judiciaires. Pourtant, ces controverses ne l’empêchent pas de progresser dans les urnes : il obtient 14,4 % des voix à la présidentielle de 1988, puis 15 % en 1995.
Le moment le plus marquant de sa carrière survient en 2002 : à la surprise générale, il élimine Lionel Jospin et accède au second tour de l’élection présidentielle face à Jacques Chirac. Ce « séisme politique » met en lumière l’impact de son discours anti-immigration, bien que sa défaite face à Chirac soit écrasante (18 % des voix seulement). En 2007, il connaît un échec cuisant à sa cinquième et dernière présidentielle, ne recueillant que 10,4 % des suffrages.
En 2011, Jean-Marie Le Pen passe la main à sa fille Marine, mais les relations entre eux se détériorent rapidement. En 2015, il est exclu du Front national après une série de désaccords et de propos polémiques, notamment sur la Seconde Guerre mondiale. Malgré une bataille juridique qui le maintient président d’honneur du parti, celui-ci modifie ses statuts pour supprimer ce titre en 2018.
Opposé à l’Union européenne, Jean-Marie Le Pen a pourtant siégé au Parlement européen presque sans discontinuer de 1984 à 2019. Il termine son dernier mandat dans un climat judiciaire, mis en examen dans l’affaire des assistants parlementaires du Front national.
Avec la mort de Jean-Marie Le Pen, une figure controversée de la politique française s’éteint, laissant derrière elle un héritage complexe et profondément divisé.