Une nouvelle fois, le gouvernement haïtien a prouvé qu’il maîtrise l’art de l’humiliation. Le 31 décembre 2024, au parc Sainte-Thérèse de Pétion-Ville, des déplacés internes,’plus de 700 000, déjà accablés par la misère et l’insécurité, ont été invités à une distribution de kits alimentaires et hygiéniques. Ce qui s’annonçait comme un geste de solidarité s’est rapidement transformé en spectacle pitoyable, où la dignité humaine a été piétinée sans remords.
Le contenu des fameux kits a laissé plus d’un bénéficiaire sans voix – ou presque. Deux marmites de riz, deux sardines, une boîte de lait évaporé, un sachet de sucre, et quelques pâtes alimentaires. Voilà ce que le gouvernement considère comme une réponse adéquate aux besoins d’une population déplacée, ayant tout perdu à cause de la violence et de l’instabilité.
Face à ce mépris, certains déplacés ont choisi de montrer leur indignation en déchirant les kits sur place, dispersant les maigres provisions sur la pelouse du parc ou dans les gradins du stade. Une femme (Le Nouvelliste), visiblement outrée, a résumé le sentiment général :
« Puisqu’on est à la rue, c’est ce qu’on mérite ? Ce n’est pas de l’aide, c’est de l’humiliation. »
Le gouvernement, dans un élan de générosité sans précédent (ou de cynisme, diront certains), a annoncé avoir débloqué plus d’un milliard de gourdes pour soutenir les ménages vulnérables durant les fêtes de fin d’année. Une somme qui, à en croire les kits distribués, a probablement été utilisée pour financer autre chose.
Sur les réseaux sociaux, l’indignation ne s’est pas fait attendre. Un tweet, devenu viral, illustre bien le mécontentement :
Distribution de kits, la population crache sa colère, après que le gouvernement a procédé à une distribution ce mardi, au Parc St-Thérèse à Pétion-Ville. Les personnes présentes sur les lieux ont exprimé leur mécontentement en ouvrant le kit qui dispose de 2 marmites de riz, 2 sardines, une boîte de lait et un sache noir qui contient du sucre. Frustrée, la population critique le gouvernement qui a décaissé plus d’un milliard de gourdes pour les fêtes de fin d’année en leur donnant des kits misérables.@radiotelemetronome
Georges Wilbert Franck , ministre des Affaires sociales, selon le Nouvelliste, a tenté d’éteindre l’incendie en promettant que 30 000 kits seraient distribués dans le cadre du Programme Multisectoriel pour l’Apaisement et la Réinsertion Sociale des Groupes Vulnérables (PUMARSGV). Il a également annoncé l’enregistrement des personnes âgées, des femmes enceintes et des personnes à mobilité réduite pour un éventuel soutien mensuel.
Mais ces annonces, loin de rassurer, ont suscité davantage de méfiance. « Ils disent toujours qu’ils vont faire quelque chose, mais ce ne sont que des paroles. Et même quand ils font, c’est pour nous humilier encore plus », a confié un père de famille vivant dans un camp de déplacés.
Au-delà de l’épisode honteux du parc Sainte-Thérèse, cette distribution de kits illustre une tendance bien ancrée dans la gouvernance haïtienne : traiter les plus vulnérables avec un mélange de condescendance et de mépris. Les annonces spectaculaires masquent des actions inefficaces, voire contre-productives.
Alors que le gouvernement prévoit une nouvelle distribution dans les quartiers populaires le 3 janvier, beaucoup se demandent si ces aides symboliques ne servent pas davantage à redorer l’image des dirigeants qu’à réellement soulager les souffrances de la population.
En Haïti, même la solidarité est devenue un spectacle grotesque où la dignité humaine est un concept purement théorique.