DROITS HUMAINS – Le Kenya est sous les feux des projecteurs après l’enlèvement de Maria Sarungi Tsehai, une militante tanzanienne exilée à Nairobi. Cette affaire met en lumière une inquiétante tendance à la multiplication des kidnappings ciblant les dissidents politiques et réfugiés étrangers sur le sol kényan.
Un enlèvement en plein jour à Nairobi
Dimanche dernier, Maria Sarungi Tsehai, célèbre militante tanzanienne vivant en exil à Nairobi depuis quatre ans, a été brièvement kidnappée par trois hommes armés à bord d’une Toyota noire. L’incident a eu lieu en plein jour, dans le quartier huppé de Kilimani, au cœur de la capitale kényane.
Bien qu’elle ait été libérée quelques heures plus tard grâce à la pression exercée par des ONG locales et internationales, la militante suspecte une opération orchestrée par les services de sécurité tanzaniens, qu’elle accuse d’agir « au-delà de leurs frontières » pour museler les voix dissidentes. Amnesty International et l’Association des juristes kényans réclament une enquête approfondie pour déterminer si le Kenya a facilité ou ignoré cet acte.
Le cas de Maria Sarungi Tsehai n’est pas isolé. Ces derniers mois, Nairobi semble être devenue une plaque tournante pour des opérations de kidnappings visant des opposants politiques étrangers. En novembre, l’opposant ougandais Kizza Besigye avait été enlevé dans un hôtel de Nairobi avant d’être transféré de force en Ouganda, où il est actuellement jugé devant une cour martiale.
Kampala avait alors affirmé avoir reçu l’aide du Kenya pour cette opération, une accusation fermement démentie par Nairobi. Cependant, cette affaire a soulevé des questions sur une possible collusion entre les autorités kényanes et des régimes voisins répressifs.
En octobre, Amnesty International rapportait l’enlèvement de quatre réfugiés turcs à Nairobi, expulsés sans aucune procédure légale d’extradition. Ces incidents s’ajoutent à une longue liste de disparitions inquiétantes dans un pays qui s’enorgueillissait autrefois d’être un havre pour les exilés politiques et les réfugiés.
Un problème national : la montée des disparitions internes
Outre les enlèvements d’opposants étrangers, les disparitions ciblant les citoyens kényans eux-mêmes se multiplient. Dimanche, le ministre kényan Justin Muturi a dénoncé une vague d’enlèvements visant des jeunes critiques du gouvernement. Il a révélé que son propre fils avait été kidnappé en juin, avant de réapparaître plusieurs jours plus tard sans explication.
Cette vague de disparitions coïncide avec les manifestations massives de juin dernier, qui avaient mis le gouvernement kényan sous pression. Selon des observateurs, les enlèvements pourraient être une stratégie d’intimidation orchestrée pour étouffer la dissidence.
Le journal local Citizen s’interroge : « Nairobi serait-elle en train de devenir la capitale mondiale des kidnappings ? » Cette question reflète une inquiétude grandissante parmi les Kényans et la communauté internationale.
Amnesty International et d’autres organisations appellent à une enquête indépendante pour déterminer les responsabilités du Kenya dans ces incidents. La complicité présumée avec des régimes répressifs étrangers pourrait ternir l’image du pays et compromettre son rôle en tant que refuge traditionnel pour les exilés politiques en Afrique.
Ces événements soulignent également les défis sécuritaires croissants dans la région, où les gouvernements autoritaires n’hésitent pas à franchir les frontières pour réprimer leurs opposants.
Alors que le Kenya était historiquement perçu comme un modèle de stabilité et de liberté relative dans une région agitée, cette tendance inquiétante des kidnappings politiques et disparitions forcées jette une ombre sur la réputation du pays, allié des États-Unis de Biden.